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Le Père Godfrey Nzamujo : Le Mécanicien de la ferme au Bénin

Il a du charisme, et une sacrée histoire. Godfrey Nzamujo voit le jour en 1949 à Kano, au Nigeria, dans une famille d’anciens esclaves revenus d’Amérique où il a eu sa nationalité. A 25 ans, il a suivi une formation universitaire d’agronomie, d’économie et d’informatique en Californie avant de devenir dominicain et de s’installer au Bénin pour fonder Songhaï.

Tout semblait mener à une carrière de chercheur et d’enseignant dans diverses disciplines scientifiques.

Cependant, une nuit sur son campus universitaire à Damas, en Californie, il a eu un rêve. Le rêve était sous la forme d’une parabole, une parabole très africaine. En bref, le rêve concernait un homme qui avait été envoyé pour aider un village éloigné dans le besoin, mais qui n’était jamais retourné dans son village d’origine en raison des nombreuses tentations qu’il avait subies. Il avait oublié, pour ainsi dire, les besoins de son village natal et s’était installé dans le nouveau village. Quand il s’est réveillé de ce rêve, Godfrey Nzamujo s’est demandé ce qu’il faisait en Californie. Il a été envoyé là-bas par son peuple et son église afin de pouvoir s’améliorer. Mais au lieu de cela, il était pris au piège dans une étude égoïste et gagnait un diplôme après l’autre, ainsi que la vie de la version californienne de la vie hédoniste.

C’est pourquoi, en 1985, il décida de retourner en Afrique. Là, il fonda le « Centre Songhaï », nommé d’après l’un des grands empires africains précoloniaux indépendants. Le principe de Godfrey Nzamujo était le suivant: « Le seul moyen de lutter contre la pauvreté est de transformer le pauvre en un créateur actif ». Sa manière de procéder était de créer un environnement vivant et éducatif propice à la venue de tous les Africains afin d’apprendre des techniques qui les aident à se perfectionner. Godfrey Nzamujo pourrait ici appliquer toutes ses connaissances théoriques sur la mécanique, l’électricité, les agriculteurs, l’économie, le commerce et l’élevage.

Les résultats constatés aujourd’hui relèvent du miracle, à la fois dans la formation et la production agricole.

« Quand je suis arrivé ici, rien ne poussait », se souvient-il en regardant par les fenêtres de son bureau les grands arbres qui jalonnaient près d’une vingtaine d’hectares du centre Songhaï.

Selon ces propos, en parlant de la philosophie du centre Songhaï, nous partons du constat scientifique que tout est connecté. Or un monde systémique comme le nôtre appelle des solutions systémiques, qui traitent la racine des problèmes et pas seulement ses symptômes. Nous sommes au début de la troisième révolution industrielle, après la première (machine à vapeur et charbon) et la deuxième (électricité et pétrole).

Aujourd’hui, notre civilisation a une faiblesse : elle repose sur une énergie fossile, centralisée, élitiste et qui détruit l’environnement. Certains pays prospèrent et d’autres pas, car le cœur du développement, c’est l’énergie. Ce que nous disons, c’est que celle-ci doit être exploitée et distribuée partout : chaque individu, chaque village, chaque zone devrait être un pôle d’action et d’invention reliés entre eux. Ce ne sont plus le président, le ministre et le député qui décident : c’est large, inclusif. Nous apprenons l’autonomie à nos élèves : ils sont au volant, mais opèrent en équipe pour être plus forts. Les technologies que vous voyez ici découlent de cette vision : elles renversent l’entropie par le recyclage, qui permet de produire plus.

On parle de bio-mimétisme. Le mode d’emploi que l’agriculture industrielle utilise est mauvais, car il n’est pas conforme aux mécanismes de la nature. Nous en avons trouvé un autre, qui évite de casser la « machine » Terre.

Armé de son bâton de pèlerin, le père Godfrey Nzamujo fait de la ferme bio qu’il a créée il y a près de 30 ans, un projet ambitieux dont l’objectif est : lutter contre la pauvreté et l’exode rural en Afrique.

La petite exploitation d’à peine un hectare qu’il a créée en 1985 à Porto-Novo est devenue un projet-pilote pour le reste de l’Afrique.

Après avoir visité plusieurs pays, il a atterri au Bénin, où le gouvernement –marxiste à l’époque– lui a cédé un lopin de terre.

«C’était un terrain abandonné, tué par l’engrais chimique et la pratique de l’agriculture conventionnelle. Ça ne marchait pas» raconte-t-il.

«On était sept jeunes. On a creusé des puits, on a arrosé de nos mains… Et en pleine période de sécheresse, cette surface grise est devenue verte», se souvient-il.

Le centre s’étale aujourd’hui sur près de 24 hectares où une main d’œuvre abondante constituée d’employés et d’apprentis s’active dès l’aube à la production de denrées agricoles, à leur transformation et leur distribution.

Son secret: imiter la nature, valoriser les «bonnes bactéries» présentes dans le sol pour maximiser la production sans avoir recours aux produits chimiques.

Les rendements de Songhaï parlent d’eux-mêmes: comme exemple, la ferme produit plus de sept tonnes de riz par hectare trois fois par an, contre une tonne de riz par hectare et par an à ses débuts.

Ce projet presque autarcique a également un point d’accès internet et une banque, évitant ainsi aux résidents de devoir se rendre en ville.

Enfin, l’emploi des jeunes est encouragé avec la formation de plus 400 élèves-fermiers chaque année, sélectionnés sur concours, qui bénéficient d’une formation de dix-huit mois entièrement gratuite.

Autant dire que le père a pensé à tout afin de mieux satisfaire les exigences de son pays en général et de l’environnement en particulier.

Il mérite la reconnaissance des pouvoirs publics afin que son exemple fasse tâche d’huile auprès de beaucoup d’autres cadres.

 

A.A

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